Un contrat de travail à durée illimitée peut normalement être résilié par l’une ou l’autre partie sans motif spécial. Mais, selon l’article 336 du Code des obligations (CO), il existe certaines situations dans lesquelles une résiliation peut être considérée comme abusive. Cette énumération n’est pas exhaustive, et le Tribunal fédéral a étendu la protection contre la résiliation du contrat de travail dans sa jurisprudence. L’aspect abusif peut non seulement résider dans un motif réprouvé de la résiliation, mais peut aussi résulter des modalités de cette résiliation, par exemple si le comportement de l’employeur peut être considéré comme contradictoire avant la résiliation. Des décisions prises par le passé par le Tribunal fédéral soulignent qu’un comportement qui n’est qu’indécent ou indigne des activités commerciales ordonnées d’une entreprise, ne suffit pas pour être jugé comme abusif. La jurisprudence n’a pas la tâche de sanctionner de telles comportements fautifs (ATF 131 III 535 E.4,2).
Résiliation sans incident récurrent
Dans sa décision actuelle 4A_189/2023 du 4 octobre 2023, le Tribunal fédéral a confirmé sa jurisprudence. Dans le cas présent, la collaboratrice concernée est entrée dans l’entreprise en juin 2006. À partir de fin 2017, elle a rencontré de graves problèmes de consommation excessive d’alcool, qui ont eu un impact sur son travail et qui ont également été abordés par ses collègues. Elle s’est, entre autres, rendue à des réunions avec des clients dans un état d’ivresse.
Une séance avec la direction de l’entreprise a eu lieu au mois de juillet 2018 qui avait pour objectif de trouver une solution pour gérer cette situation inacceptable. Suite à cela, la collaboratrice a suivi un traitement psychiatrique pour un trouble dépressif et une consommation d’alcool préjudiciable à la santé. Étant donné que la situation ne s’est pas améliorée de manière significative du point de vue de l’employeur, ce dernier a averti la collaboratrice par écrit le 11 septembre 2018 et lui a fait savoir qu’elle serait licenciée en cas de récidive. Le 12 ou 13 septembre, une nouvelle rencontre entre la collaboratrice et la direction a eu lieu au cours de laquelle elle a été informée que son licenciement était envisagé. Suite à cela, la collaboratrice a été en incapacité de travailler et n’a repris son travail que le 1er novembre 2018. Son licenciement a été prononcé le même jour. L’employeur a justifié le licenciement en faisant valoir qu’il avait perdu confiance dans les compétences et la volonté de la collaboratrice de vouloir maîtriser sa dépendance.
Ensuite, la collaboratrice a porté plainte contre son employeur pour licenciement abusif. Devant le tribunal, elle a affirmé qu’elle s’était fiée à l’avertissement et qu’aucun nouvel incident ne s’était produit au travail depuis cet avertissement. Par conséquent, l’employeur a agi de façon contradictoire. Toutefois, le Tribunal fédéral a jugé qu’il ne s’agissait là pas d’un licenciement abusif. Certes, la façon dont l’employeur a agi peut être discutable, voire inappropriée, puisqu’il a dans un premier temps averti la collaboratrice pour lui communiquer juste après son intention de mettre fin aux rapports de travail. Néanmoins, cela ne peut être considéré comme un licenciement abusif. Le fait que la collaboratrice n’ait pas fait d’efforts (p.ex. des investissements en vue d’un déménagement de l’étranger en Suisse), qu’elle n’aurait pas pu annuler sans pertes, lui a finalement été fatal. Au contraire, elle a immédiatement cherché un nouvel emploi après l’avertissement en septembre 2018.
Conclusion
Par cette décision, l’employeur s’en tire à bon compte. Néanmoins, l’affaire montre que tout avertissement doit être formulé soigneusement et que l’employeur devrait se réserver toutes les options légales possibles s’il ne veut pas risquer que le licenciement puisse être jugé comme étant abusif par un tribunal.
Jan Krejci, chef de secteur, Division Politique patronale, (j.krejcinoSpam@swissmem.ch), se tient volontiers Ă la disposition des entreprises membres de Swissmem pour toute question.