Jürg Michel : Monsieur Eckold, vous vous engagez dans la lutte contre l’initiative de résiliation. Pourquoi ?
Marc Eckold : Premièrement : l’initiative de résiliation met en péril la voie bilatérale de façon inconsidérée, ce qui est négligent. En fin de compte, la Suisse profite à bien des égards de ses relations éprouvées avec l’UE. Deuxièmement : l’initiative populaire de l’UDC n’offre pas d’alternative équivalente. Celui qui met fin aux accords bilatéraux doit réfléchir soigneusement à l’avenir. 56% des exportations de l’industrie suisse des machines, des équipements électriques et des métaux prennent le chemin de l’UE. Des relations réglementées sont indispensables. Toute autre solution ne répondra pas aux besoins de l’économie.
Jürg Michel : Quelles seraient les conséquences d’une acceptation de l’initiative de résiliation pour votre entreprise, ECKOLD SA ?
Marc Eckold : À Trimmis, nous développons et produisons des machines pour la transformation de la tôle avec une part d’exportation très élevée et nous offrons à nos clients suisses des services CNC en fabriquant des pièces pour leurs machines. L’UE est de loin le marché le plus important pour nous et nos clients. « L’accord sur la suppression des entraves techniques au commerce » nous donne la possibilité de vendre des produits testés et homologués en Suisse également dans la zone de l’UE. Sans les accords bilatéraux I, nous devrions homologuer nos produits une nouvelle fois dans l'UE. Ceci coûterait beaucoup d’argent et prendrait beaucoup de temps. Et ce genre de coûts augmenteraient les prix de nos produits d’exportation. Pour notre entreprise familiale, ceci constituerait un désavantage énorme par rapport à nos concurrents directs à l’étranger. Nous ne voulons certainement pas plus de désavantages. Nous luttons déjà aujourd’hui contre bien des désavantages par rapport à la concurrence dans l’UE. Peu de personnes en sont conscientes.
Jürg Michel : De quel genre de désavantages est-il question ?
Marc Eckold : Par exemple : les concurrents allemands peuvent livrer une pièce de rechange en Italie moins cher et plus rapidement que nous du fait que nous devons dédouaner nos produits dès qu’ils quittent la Suisse. Deuxième exemple : pour présenter un appareil de démonstration à un client dans l’UE, nous devons passer par une procédure complexe avec beaucoup d’administration pour le passage de la frontière vers l’UE et en Suisse. Les entreprises domiciliées dans l’UE peuvent se déplacer librement dans l’espace de l’UE. Je le répète : ce genre d’inconvénients et d’autres encore suffisent. Nous ne voulons pas de désavantages et de dépenses supplémentaires. En outre, nous importons à grande échelle de l’UE pour notre division « commerce de pièces de technologie automobile ». Dans ce domaine, nous sommes heureux si aucun problème supplémentaire ne survient.
Jürg Michel : Dans quelle mesure le canton des Grisons est-il concerné par l’initiative de résiliation ? Quelles conséquences devons-nous craindre ?
Marc Eckold : Si les Bilatérales I sont annulées, les entreprises grisonnes seront éloignées du marché intérieur de l’UE avec ses 450 millions de consommateurs. Cela pourrait forcer ou tenter certaines entreprises à délocaliser leur production dans un pays de l’UE. Il va de soi que cela aurait de graves conséquences pour notre site commercial. Le savoir-faire, la force d’innovation et des emplois précieux seraient perdus. Rien que dans mon secteur - l’industrie des machines, des équipements électriques et des métaux - plus d’un emploi sur trois dépend directement des commandes de l’UE. En réalité : les accords bilatéraux assurent la prospérité et les emplois dans les Grisons et dans toute la Suisse.
Jürg Michel : Finalement, ce sera à la population suisse de décider sur l’initiative de résiliation. Qu’est-ce que les Suisses doivent garder à l’esprit au moment de prendre leur décision ?
Marc Eckold : La voie bilatérale est une histoire à succès. Elle permet à la Suisse de conserver son indépendance et de traiter avec l’UE sur un pied d’égalité. Les bonnes relations avec l’Europe sont un avantage pour nous tous que nous ne devons en aucun cas mettre en danger.
L’interview a été réalisée par Jürg Michel, directeur de l’Association commerciale des Grisons et a été publiée dans le Bündner Gewerbe 2/2020.