Page d’accueil Engagement Durabilité Engouement ou espoir ? L’hydrogène, entre potentiel prometteur et défis gigantesques
Interlocuteur  Philipp Bregy Philipp Bregy
Chef de secteur énergie
+41 44 384 48 04 +41 44 384 48 04 p.bregynoSpam@swissmem.ch
Partager

Engouement ou espoir ? L’hydrogène, entre potentiel prometteur et défis gigantesques

L’hydrogène vert (H2) offre un potentiel prometteur pour la décarbonation des processus industriels dans des applications de mobilité spécifiques et pour le stockage saisonnier de l’énergie afin de renforcer la sécurité d’approvisionnement. Pendant longtemps, le H2 a été présenté comme la pièce manquante du puzzle de la décarbonation. Mais une certaine désillusion s’est actuellement installée, le problème résidant « dans les détails » : la mise en œuvre est techniquement complexe, extrêmement interdisciplinaire et coûteuse. Entre euphorie politique et réalité industrielle, la question se pose : l’hydrogène, engouement ou espoir ?

L’objectif climatique « zĂ©ro Ă©mission nette Â» est l’objet de la loi sur le climat et l’innovation. Qu’en est-il des solutions de dĂ©carbonation Ă©conomiquement viables pour l’industrie et l’approvisionnement Ă©nergĂ©tique ? 

Swissmem soutient l’objectif zĂ©ro Ă©mission nette d’ici Ă  2050. La Suisse est le premier pays au monde Ă  l’avoir lĂ©gitimĂ© dĂ©mocratiquement. Nous voulons, nous pouvons ĂŞtre des prĂ©curseurs. Mais, selon les secteurs, le dĂ©fi est Ă©norme. 

Pour l’industrie tech, le casse-tête en termes de décarbonation réside dans la production de chaleur industrielle à haute température sans recourir aux énergies fossiles. Or cette production de chaleur est inévitable, en particulier dans l’industrie de transformation des métaux. Le potentiel d’électrification est certes important – probablement même plus important que ce que l’on pensait jusqu’à présent –, en particulier si les poêliers-fumistes s’orientent eux aussi davantage vers la recherche et le développement. Toutefois, pour certains processus métallurgiques, on continuera à l’avenir à dépendre d’un traitement de surface au gaz en raison de propriétés et d’exigences spécifiques.

Les entreprises membres de Swissmem couvrent aujourd’hui dĂ©jĂ  près de deux tiers de leurs besoins Ă©nergĂ©tiques totaux au moyen de l’électricitĂ©. Une Ă©lectricitĂ© « sans Ă©nergie fossile Â» Ă  des prix compĂ©titifs ainsi qu’une sĂ©curitĂ© d’approvisionnement Ă©levĂ©e sont les prĂ©misses d’une place industrielle suisse tournĂ©e vers l’avenir. Avec la disparition de l’énergie nuclĂ©aire existante, il nous manquera Ă  l’avenir une Ă©norme quantitĂ© d’électricitĂ© propre – en particulier pendant les mois d’hiver, lorsque les installations photovoltaĂŻques produisent trop peu et de manière peu fiable, et alors que les Ă©oliennes ne sont pas construites en raison de problèmes d’acceptation.

De grands potentiels mais aussi beaucoup de désillusions

L’hydrogène vert peut en principe dĂ©carboner pratiquement tous les secteurs Ă  forte consommation d’énergie et Ă  fortes Ă©missions et, en tant qu’agent Ă©nergĂ©tique stockable, il peut contribuer Ă  une plus grande sĂ©curitĂ© d’approvisionnement. Cela peut expliquer l’« engouement Â» pour l’hydrogène au cours des dernières annĂ©es. Une citation de Michael Liebreich, expert international en Ă©nergies nouvelles, convient bien ici : « L’hydrogène est comme un couteau suisse, on peut presque tout faire avec... Â» Mais Michael Liebreich Ă©tudie Ă©galement depuis des annĂ©es ce qui est judicieux ou non d’un point de vue technico-Ă©conomique, et l’illustre de façon très parlante sur son « Ă©chelle de l’hydrogène propre Â» (clean hydrogen ladder). C’est de lĂ  que dĂ©coule la deuxième partie de la citation de M. Liebreich sur le couteau suisse : « ...mais pour la grande majoritĂ© des cas d’application, il y a finalement quelque chose de mieux que l’hydrogène. Â» Le couteau suisse permet par exemple d’ouvrir des boĂ®tes de conserve – mais il existe quelque chose de plus efficace pour cela. Il en va de mĂŞme pour le ponçage des clous, le serrage des vis, l’ouverture des lettres, etc. Des informations rĂ©centes de diffĂ©rents constructeurs de vĂ©hicules utilitaires lourds, qui gèlent leurs projets de vĂ©hicules propulsĂ©s Ă  l’hydrogène, tĂ©moignent de cette « Ă©valuation de la rĂ©alitĂ© Â» quelque peu dĂ©cevante. Il reste nĂ©anmoins des applications spĂ©cifiques dans de nombreux secteurs oĂą l’utilisation d’hydrogène devient inĂ©vitable. 

De la production d’hydrogène aux applications, en passant par son transport et son stockage, une chaĂ®ne de crĂ©ation de valeur prometteuse se met en place. L’industrie tech suisse, orientĂ©e vers l’exportation, pourra contribuer Ă  l’échelle mondiale Ă  l’exploitation de ce potentiel. 

Le « problème de la poule ou de l’œuf Â» freine l’industrie

L’utilisation de l’hydrogène pour la production de chaleur industrielle Ă  haute tempĂ©rature nĂ©cessite gĂ©nĂ©ralement de nouveaux fours compatibles avec l’hydrogène, ainsi que l’infrastructure pĂ©riphĂ©rique nĂ©cessaire Ă  sa manipulation en toute sĂ©curitĂ©. Les coĂ»ts spĂ©cifiques de transformation du gaz naturel en hydrogène semblent ĂŞtre beaucoup plus Ă©levĂ©s pour de nombreux consommateurs finaux, par exemple dans l’industrie de production ou sur un site industriel, que pour les fournisseurs de gaz pour la mise Ă  niveau H2 de l’infrastructure de gazoducs. Il n’est donc pas Ă©tonnant que l’industrie ait un peu de mal Ă  estimer les besoins en hydrogène. De plus, personne ne prĂ©voit d’investir des millions dans de nouveaux amĂ©nagements techniques de poĂŞlerie-fumisterie et de nouvelles infrastructures de sĂ©curitĂ© tant qu’il n’existe pas d’approvisionnement rĂ©silient et Ă©conomiquement viable en hydrogène vert. Les investisseurs et les fournisseurs n’ont donc pas la certitude d’avoir des dĂ©bouchĂ©s, ce qui les freine pour construire des capacitĂ©s d’électrolyse ou des pipelines pour l’hydrogène – c’est le fameux « problème de la poule ou de l’œuf Â». 

Constitution de clusters H2 

Les besoins futurs en hydrogène dĂ©pendront probablement d’une part des besoins en chaleur industrielle Ă  haute tempĂ©rature non Ă©lectrifiable et d’autre part du dĂ©veloppement de ce que l’on appelle les clusters H2. Un cluster H2 se caractĂ©rise par une chaĂ®ne de crĂ©ation de valeur H2 intĂ©grĂ©e verticalement et aussi Ă©levĂ©e que possible au niveau local. Un cluster H2 couvre ainsi les domaines de la production, de la distribution et de la consommation d’hydrogène dans un pĂ©rimètre gĂ©ographiquement limitĂ©. Citons comme exemple le H2-Hub Suisse, une plaque tournante pour l’hydrogène vert dans la rĂ©gion de Bâle et pour la Suisse. On peut partir du principe qu’il n’existe pas de limite stricte de tempĂ©rature (Ă©levĂ©e) pour la consommation d’hydrogène, mais que, dans les rĂ©gions oĂą l’hydrogène est utilisĂ© pour des processus Ă  haute tempĂ©rature, l’industrie environnante a Ă©galement recours Ă  l’hydrogène Ă  des tempĂ©ratures plus basses. Il est donc lĂ  aussi essentiel que les acteurs de la chaĂ®ne de crĂ©ation de valeur H2 se rĂ©unissent le plus rapidement possible pour former lesdits clusters. La nouvelle plate-forme d’Axpo « MATCH2 Â», qui met en rĂ©seau les producteurs et les consommateurs potentiels d’hydrogène, y contribue largement. 

Cliquez ici pour accĂ©der Ă  la plate-forme MATCH2 d’Axpo, le rĂ©seau numĂ©rique pour l’hydrogène vert et ses dĂ©rivĂ©s.

Prémisses de Swissmem pour une montée en puissance réussie de l’hydrogène

La politique doit crĂ©er des conditions-cadres praticables et si possible uniformes au niveau national pour l’ensemble de la chaĂ®ne de crĂ©ation de valeur H2. Les producteurs d’hydrogène ont besoin de sĂ©curitĂ© de planification et de perspectives de vente pour la construction d’installations de production et d’infrastructures de transport ou de conduites. L’industrie, en tant que consommatrice potentielle d’hydrogène, a besoin d’une demande significative de « produits verts Â», comme l’acier vert par exemple, Ă  titre de garantie pour des investissements importants dans l’adaptation des infrastructures et dans des combustibles plus coĂ»teux, ainsi que pour la recherche et le dĂ©veloppement de solutions H2 innovantes et Ă©volutives. Étant donnĂ© que la Suisse sera encore plus dĂ©pendante des importations pour les gaz renouvelables que pour l’électricitĂ©, il est important de mettre en place un système de garantie d’origine (GO) « vert Â» et compatible avec l’UE, tel qu’il existe pour l’électricitĂ©. Afin de permettre une montĂ©e en puissance rapide et si possible parallèle des infrastructures d’hydrogène, il convient de fixer, pour une durĂ©e limitĂ©e, des critères de qualitĂ© H2 qui ne soient pas trop stricts. Pour promouvoir la production la plus rentable et l’évolutivitĂ© de l’hydrogène vert, il faut rapidement une augmentation de la demande en hydrogène. Pour cela, l’utilisation d’hydrogène vert doit ĂŞtre possible « du point de vue comptable Â» via des GO ou selon le modèle « book&claim Â», indĂ©pendamment d’une importation physique.

Mesures utiles en tout état de cause

Comme souvent, le plus grand dĂ©fi n’est pas de nature technique, mais politique : avec quel cadre rĂ©glementaire l’infrastructure, la production et la consommation peuvent-elles arriver Ă  maturitĂ© rapidement et si possible simultanĂ©ment ? Si nous parvenons Ă  atteindre cet objectif, l’hydrogène peut ĂŞtre un Ă©lĂ©ment constitutif d’une industrie qui restera compĂ©titive et climatiquement neutre. Au vu des incertitudes mentionnĂ©es tout au long de la chaĂ®ne de crĂ©ation de valeur H2, la question se pose de savoir ce qu’il est urgent de faire, c’est-Ă -dire quel est « le plus petit dĂ©nominateur commun Â» indĂ©pendamment des diffĂ©rents scĂ©narios de consommation d’hydrogène. Swissmem envisage les « no regret options Â» suivantes (aussi appelĂ©es « mesures utiles en tout Ă©tat de cause Â») :

  • CrĂ©er des options d’action : garantir rapidement le raccordement de la Suisse au rĂ©seau central europĂ©en d’hydrogène (« dorsale hydrogène europĂ©enne Â» ou « EU Hydrogen Backbone Â»), ce qui crĂ©era une sĂ©curitĂ© d’approvisionnement Ă  long terme et augmentera la rĂ©silience du système Ă©nergĂ©tique suisse.
     
  • Agir de manière gĂ©ostratĂ©gique : prĂ©parer le gazoduc de transit pour le transport d’hydrogène. MĂŞme sans autoconsommation immĂ©diate d’hydrogène en Suisse, nous pouvons jouer un rĂ´le de pays de transit du gaz et de plaque tournante du commerce d’hydrogène sur l’axe nord-sud, par analogie avec le Gothard et la NLFA ainsi qu’avec le gazoduc de transit actuel. Cet investissement revĂŞt Ă©galement un caractère stratĂ©gique dans les discussions et les nĂ©gociations avec l’Union europĂ©enne (UE).
     
  • Encourager des projets pilotes et de dĂ©monstration : cela gĂ©nère des donnĂ©es, de la confiance et de la maturitĂ© technique.

Conclusion 

Pour la dĂ©carbonation de l’économie suisse, l’hydrogène n’est ni un simple engouement, ni une solution miracle. Mais ce serait faire preuve de nĂ©gligence de ne pas jeter dès aujourd’hui les bases qui pourraient ĂŞtre dĂ©cisives demain – pour la dĂ©carbonation, la souverainetĂ© Ă©nergĂ©tique et la compĂ©titivitĂ©. Les « mesures utiles en tout Ă©tat de cause Â» aident Ă  maintenir ouvertes les diffĂ©rentes voies technologiques, Ă  dĂ©velopper des options et Ă  les faire Ă©voluer si nĂ©cessaire.

Plus d'informations

ĂŠtes-vous intĂ©ressĂ©/e par l’hydrogène et ses dĂ©rivĂ©s ? Pour toute question ou explication complĂ©mentaire dans le domaine de la politique Ă©nergĂ©tique et climatique, Philipp Bregy, chef du secteur Énergie, se tient Ă  votre disposition 


 

Philipp Bregy
Chef de secteur énergie
+41 44 384 48 04 +41 44 384 48 04 p.bregy@swissmem.ch E-Mail

Souhaitez-vous vous mettre en rĂ©seau sur ces thèmes et sur les Ă©clairages concernant les applications de la branche de l’hydrogène ou du Power-to-X, et d’échanger avec d’autres entreprises membres de Swissmem ? Alors contactez Roger Sonderegger, chef du secteur industriel « New Energy Systems Â» de Swissmem et co-directeur du rĂ©seau Power-to-X SPIN .
 

Roger Sonderegger
Chef de secteur
+41 44 384 42 37 +41 44 384 42 37 r.sonderegger@swissmem.ch E-Mail

Manifestations et offres de formation

  • COURS
    À partir du 01.09.2025

    Basiskurs fĂĽr Umweltbeauftragte

    Richtig eingefĂĽhrtes systematisches Umweltmanagement lohnt sich

    Der Basiskurs fĂĽr Umweltbeauftragte vermittelt ein umfassendes Grundwissen zum betriebsrelevanten Umweltschutz.

    Détails
    Détails Basiskurs für Umweltbeauftragte

Ces articles peuvent vous intéresser

Dernière mise à jour: 19.08.2025