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Interlocuteur Dr. Jean-Philippe KohlDr. Jean-Philippe Kohl
Chef de la division « Politique économique » / Directeur adjoint
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Préférer les innovations à la spirale des subventions

Les processus de production industriels dépendent d’un approvisionnement en électricité ab-solument fiable. C’est pourquoi la sécurité d’approvisionnement en électricité est existentielle pour l’industrie. En fonction des scénarios, elle sera sous pression déjà à partir de 2030, avant tout durant le semestre d’hiver.

Jean-Philippe Kohl, chef de la division Politique Ă©conomique Swissmem

La décarbonisation de l’économie augmentera la demande en électricité. Les gains au niveau de l’efficacité peuvent certes atténuer la croissance, mais pas la stopper. Par contre, la production d’électricité se réduit à cause de la suppression par étape du nucléaire particulièrement précieux au cours du semestre d’hiver. Rien n’est moins sûr quant à savoir si le déficit grandissant entre la consommation et la production indigène peut être couvert par les importations d’électricité : l’Allemagne veut renoncer tant au nucléaire qu’au charbon. De plus, la France réduit graduellement son parc de centrales nucléaires. L’accord sur l’électricité faisant défaut avec l’UE complique la situation pour la Suisse.

La consultation qui vient de prendre fin dans le cadre de la révision de la loi sur l’énergie (LEne) dénonce certes le problème de la sécurité d’approvisionnement, mais propose une voie qui ne permet pas d’atteindre le but visé.

En substance, la politique de la production d’électricité subventionnée doit simplement être poursuivie. De plus, le soutien de l’État doit être prolongé de cinq années jusqu’en 2035. Même si l’instrumentaire d’encouragement doit être conçu de manière à être « plus proche du marché », une subvention reste une subvention.

Avant la votation sur la Stratégie énergétique 2050 du 21 mai 2017, la politique avait assurée que les subventions n’étaient qu’un financement de lancement pour les nouvelles technologies. Raison pour laquelle elles doivent définitivement prendre fin à la fin 2030. Rompre une promesse seulement trois ans après la votation n’est pas crédible du point de vue politique et sent la « tactique du salami » à plein nez. La menace plane que les subventions permanentes soient introduites.

La poursuite de l’encouragement de la production d’électricité en fonction de la technologie ne contribue presque en rien au fait de garantir la sécurité d’approvisionnement en électricité durant le semestre d’hiver.

  • L’électricitĂ© photovoltaĂŻque (PV) est produite avant tout en Ă©tĂ©. Mais lĂ , la Suisse n’a pas de problème d’approvisionnement. Il faudrait pouvoir rendre disponible cet excĂ©dent d’électricitĂ© en hiver. Aussi longtemps que ce stockage saisonnier ne peut pas ĂŞtre exploitĂ© Ă©conomiquement, subventionner « un plan d’urgence solaire » n’a aucun sens.
  • L’énergie Ă©olienne est elle au moins essentiellement produite pendant l’hiver. MalgrĂ© cela, les Ă©oliennes suisses ne peuvent que fournir une contribution minime Ă  la sĂ©curitĂ© d’approvisionnement.  Il faudrait plus de mille Ă©oliennes pour pouvoir remplacer de manière plus ou moins adĂ©quate seulement une grande centrale nuclĂ©aire. En Suisse, la densitĂ© de population est telle que cela ne sera pas possible et la population n’acceptera aucune dĂ©gradation du paysage.
  • L’hydraulique est en majeure partie flexible et plus apte Ă  assurer la sĂ©curitĂ© d’approvisionnement.  Ă€ ce niveau, il y a quelques projets intĂ©ressants Ă  rĂ©aliser, mais le potentiel ne doit pas ĂŞtre surestimĂ©. Le recours autrefois au nuclĂ©aire a aussi Ă©tĂ© justifiĂ© par l’inquiĂ©tude de ne pas « inonder Â» les derniers recoins de notre pays. On s’imagine que l’énergie produite dans les centrales nuclĂ©aires suisses Ă  hauteur de plus de 20 TWh devrait ĂŞtre produite par le biais de l’hydraulique. Les Alpes suisses deviendraient un Ă©norme plateau de lacs.
  • Et pour ĂŞtre complet : la production Ă  partir de la biomasse restera insignifiante parce que trop chère et la gĂ©othermie n’existe actuellement qu’en thĂ©orie.

Dans ce contexte, Swissmem rejette la rĂ©vision de la LEne.  Elle ne contribue pas Ă  garantir la sĂ©curitĂ© d’approvisionnement future.

Les centrales à gaz et à gaz à cycle combiné ne font pas l’objet de la révision de la loi. Ces dernières pourraient combler le manque d’énergie en hiver qu’engendrera la mise hors service des centrales nucléaires. Toutefois, aussi longtemps qu’elles ne pourront pas être exploitées de manière économique et neutre du point de vue du climat (par ex. avec le captage du CO2 ou sur la base du gaz synthétique), elles ne pourront pas être justifiées au niveau de la politique climatique.

Conclusion : il n’existe actuellement pas encore de solution sur la manière de garantir la sécurité d’approvisionnement à l’avenir. Afin d’en obtenir une, il faut une amélioration urgente des conditions-cadres en politique énergétique et climatique. Les éléments suivants en font partie :

  • CrĂ©ation d’un cadre propice Ă  l’innovation : Dans ce but, il faut une libĂ©ralisation complète du marchĂ© de l’électricitĂ© qui favorise l’innovation et la concurrence en vue de nouveaux produits, services et modèles commerciaux. De plus, il faut Ă©viter les rĂ©gulations qui distordent le marchĂ© et supprimer les obstacles rĂ©gulatoires qui entravent tout particulièrement les nouvelles technologies de stockage dĂ©centralisĂ©es. Le plus simple pour soutenir l’hydraulique serait d’adapter enfin le rĂ©gime des redevances hydrauliques rigides et indĂ©pendantes du prix du marchĂ© (Ă  la place de nouvelles subventions). Les potentiels technique et Ă©conomique des nouvelles technologies doivent ĂŞtre testĂ©s par le biais de projets pilotes et de dĂ©monstration.
  • Politique climatique ambitionnĂ©e et axĂ©e en consĂ©quence sur l’économie de marchĂ© : L’objectif zĂ©ro net des gaz Ă  effet de serre jusqu’en 2050 et une taxe d’incitation neutre au niveau du taux fiscal sur les agents Ă©nergĂ©tiques fossiles en font partie. La forte augmentation attendue de la demande d’électricitĂ© due Ă  la dĂ©carbonisation et le manque d’énergie en ruban enverront les signaux de prix correspondants pour une extension de la production d’électricitĂ© neutre du point de vue climatique et axĂ©e sur les besoins. Il n’est pas nĂ©cessaire de poursuivre le subventionnement par l’État des capacitĂ©s de production.
  • Conclusion d’un accord sur l’électricitĂ© avec l’UE : L’implication de la Suisse dans la rĂ©gulation et la gestion de l’échange d’électricitĂ© au-delĂ  de la frontière a un effet positif sur la sĂ©curitĂ© opĂ©rationnelle du rĂ©seau et ouvre Ă  l’hydraulique suisse un nouveau potentiel de vente sur les marchĂ©s d’électricitĂ© « Ă  court terme ».
  • Poursuite de l’exploitation fiable et Ă©conomique des centrales nuclĂ©aires suisses : Comme la dernière Ă©tude « System Adequacy 2030 » de la Commission fĂ©dĂ©rale de l’électricitĂ© (ElCom) le montre clairement, la sĂ©curitĂ© d’approvisionnement Ă©levĂ©e jusqu’en 2030 dĂ©pend fortement de la poursuite de l’exploitation des centrales nuclĂ©aires suisses. C’est pourquoi il faut faire en sorte que ces dernières puissent ĂŞtre exploitĂ©es le plus longtemps possible de manière fiable et Ă©conomique. Ce qui offre Ă  la transformation du système Ă©nergĂ©tique un temps prĂ©cieux qui est absolument nĂ©cessaire pour les dĂ©veloppements technologiques, leur adaptabilitĂ©, leur rendement et donc leur pĂ©nĂ©tration sur le marchĂ©.

Quel est le rĂ´le de l’industrie MEM dans ce processus ? L’industrie MEM est tout simplement « l’industrie moteur Â». Elle offre des solutions respectueuses du climat tout au long de la « chaĂ®ne de crĂ©ation de valeur Ă©nergĂ©tique Â» : de la production d’énergie (p.ex. turbines efficientes pour les centrales Ă  gaz et hydroĂ©lectriques, composants clĂ©s pour les installations photovoltaĂŻques) Ă  la rĂ©cupĂ©ration d’énergie (p.ex. Ă  partir des eaux usĂ©es), en passant par la distribution d’énergie (p.ex. transmission de courant continu Ă  haute tension, technologie de commande et de rĂ©gulation pour les rĂ©seaux intelligents), le stockage d’énergie (p.ex. composants pour la production d’hydrogène, de mĂ©thanol) et l’utilisation de l’énergie dans l’industrie, les mĂ©nages et la mobilitĂ© (p.ex. machines/appareils mĂ©nagers Ă  consommation d’énergie optimisĂ©e, technique du bâtiment intelligente, solutions d’électromobilitĂ© et infrastructures associĂ©es). De ce fait, l’industrie MEM est une partie de la solution au problème Ă©nergĂ©tique et climatique !

Swissmem mise par expérience sur l’innovation et la confiance en la capacité des spécialistes à développer des solutions techniques qui peuvent être ensuite exploitées de manière respectueuse de l’environnement et économiquement. Le régime du subventionnement, en plus de l’objectif zéro net en 2050 et une taxe d’incitation neutre au niveau du taux fiscal sur tous les agents énergétiques fossiles, doit être définitivement abandonné à la fin 2030 comme cela l’a été promis à l’origine.

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Dernière mise à jour: 12.08.2020